Chloé Delaume explore l’emprise et la honte dans son roman « Ils appellent ça l’amour »

Une amitié mise à l’épreuve par un passé douloureux

Dans son dernier ouvrage « Ils appellent ça l’amour », Chloé Delaume réunit cinq amies — Clotilde, Judith, Adélaïde, Bérangère et Hermeline — personnages familiers aux lecteurs de l’autrice française. Ces cinq compagnes se retrouvent pour un week-end festif dans une ville pittoresque, à l’apparence presque artificielle.

Cependant, cette escapade prend une dimension plus sombre pour Clotilde, alter ego littéraire de Chloé Delaume. En effet, c’est dans cette même ville qu’elle a vécu, vingt ans plus tôt, une relation marquée par une emprise toxique avec un homme qu’elle appelle « Monsieur ». Le séjour est rapidement envahi par les souvenirs douloureux de cette période, entre honte toujours présente et lutte intérieure pour affronter ce passé.

Retour sur une relation toxique marquante

Le poids d’un enfermement progressif

Au fil du récit, Clotilde se remémore sa rencontre avec « Monsieur », environ deux décennies plus tôt. Malgré des signaux inquiétants, la trentaine alors atteinte n’a pas freiné son acceptation d’une relation dominée par une figure plus âgée, adoptant un comportement autoritaire, incarné notamment par son style vestimentaire en velours côtelé.

Fragilisée par une situation personnelle précaire et des manques affectifs, Clotilde apparaît alors vulnérable et facilement influençable. Progressivement, « Monsieur » s’installe dans son quotidien, l’introduisant dans son domicile, tout en la coupant de ses proches et en contrôlant ses choix alimentaires et intimes, justifiant ces actions comme étant pour son bien.

« Elle hésite à camper en premier le décor ou son état psychique d’alors. Les Velux pas étanches, sa dépression sévère, ses pensées suicidaires, les livres et l’oreiller toujours mouillés. »
Extrait de « Ils appellent ça l’amour » de Chloé Delaume

C’est uniquement à l’occasion d’un événement violent final que Clotilde perce sa façade idéale et prend conscience du caractère manipulateur et dominateur de cet homme.

La libération par la parole et la solidarité féminine

Vingt ans après cette relation, Clotilde conserve un sentiment de honte face à son assujettissement passé. Pourtant, elle fait le choix de briser le silence en partageant son histoire avec ses amies, révélant les violences physiques et verbales subies. Chacune d’elles apporte une réaction personnelle, mais l’entraide et la sororité restent au cœur de ce moment de confession collective.

Le roman se conclut sur une note où une forme de justice littéraire agit aussi comme une prévention face aux dynamiques toxiques évoquées, offrant une lecture à la fois engagée et nécessaire.

Sarah Clément

Référence : Chloé Delaume, « Ils appellent ça l’amour », Éditions du Seuil, août 2025.